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Claire Ballongue

Écho de la soirée Autisme : contre le dogmatisme - Et pour cause




Nous étions plus de 400 ce lundi 17 octobre à participer à la conversation organisée par les Psychologues freudiens. 15 cartellisants ont interrogé Patrick Landman, François Leguil et Jean-Claude Maleval, auteurs de la brochure « Position psychanalytique contre le dogmatisme appliqué à l'autisme ». Le souci de répondre aux contre-vérités qui tentent de discréditer l’efficacité de la prise en charge psychanalytique en matière d’autisme est le fil rouge de cette discussion.

Une logique s’en déduit qui permet de saisir comment l’autisme a migré dans le champ des troubles neurodéveloppementaux (TND) avec les conséquences que l’on sait pour la recherche, les pratiques et la clinique.

Reprenons en le fil.

Une perspective historique a été dépliée. Celle-ci nous permet de repérer les mutations qui se sont opérées dans le champ de l'autisme à partir du mouvement de dépathologisation qui s'origine aux États Unis. Pour la première fois, les législateurs interviennent dans le domaine de la psychiatrie afin de situer l'autisme comme relevant du handicap et non plus de la maladie mentale. Les lois du 30 juin 1975 relatives aux institutions sociales et médico-sociales et aux orientations en faveur des personnes handicapées participent de ce changement. Le sujet est placé en position de déficit, résultat de sa génétique. Il n'est plus question de le soigner ou d'interroger sa position subjective. P. Landman relève justement l’ambiguïté selon laquelle si l'autisme est un handicap, il est pourtant toujours dans le DSM et les autistes (les plus en difficulté du moins) toujours suivis en hôpitaux de jour...

Dans la même dynamique, après que la « santé mentale » ait pris le pas sur la psychiatrie, une forme de dépathologisation secondaire apparaît. Le dualisme normal/pathologique n'est plus, on entre dans l'ère du spectre, dans le champ du dimensionnel lequel peut inclure tout le monde. L’humain commence à se penser en termes de neurodiversité.

Dans les années 80, des arrêtés statuent sur les conditions d’accès au dossier médical. Même si l’on ne peut contester le progrès que cela amène pour les patients, il n’en demeure pas moins que certains diagnostics ne peuvent plus être posés, ne serait-ce que par le virage à l’injure qu'ils induisent. Les références internationales, de plus en plus usitées, telles le DSM, mettent l'accent sur le trouble et non plus sur le diagnostic structural, point dont J-C. Maleval souligne pourtant l'importance. En effet, actuellement, le diagnostic établi à partir des logiques structurale et borroméenne, s'il peut servir de boussole, ne peut non plus s'écrire.

Ainsi, l'autisme a d'abord été pensé en termes de maladie mentale avant de devenir handicap puis spectre. Cela ouvre la porte à une forme d'inflation des diagnostics d'autisme, dans le sens où plus l'on pense en termes de spectre, plus la catégorie s'élargit.

Ceci n'est certainement pas sans lien avec la publication de l'arrêté du 10 mars 2021 qui encadre le travail des psychologues libéraux quant à la pratique des bilans et interventions précoces pour les enfants présentant un TND. Y figurent les techniques psychométriques que le psychologue se doit de pratiquer. Bien que ces outils soient recommandés par les autorités par le biais des « bonnes pratiques professionnelles », ils ne sont pourtant pas reconnus par la HAS comme reposant sur un niveau de preuve scientifique établi mais sur un accord d'expert. Ceci ne peut que nous interroger sur la fiabilité des diagnostics posés.

Avec la neuroimagerie, microscope du XXIème siècle, l’espoir est né chez certains de trouver enfin les causes, les marqueurs de l’autisme. Or les résultats obtenus par la technique sont loin des espoirs escomptés et se heurtent à une réalité : il n’y a pas de preuve biologique de l’autisme. Qu'importe, la croyance en l'existence de ces marqueurs passera par la voie médiatique. Ainsi, lobbying, marketing, attaques juridiques, se succèdent ou se cumulent, pour faire passer comme une évidence la validité des études. Pourtant, les facteurs, qu'ils soient environnementaux, génétiques, biologiques, pris isolément ne sont ni indispensables, ni suffisants pour conclure à un autisme, dont J-C. Maleval nous rappelle l'étiologie multifactorielle.

Il nous est bien justement rappelé durant cette soirée la formule de Gaston Bachelard selon laquelle le microscope ne prolonge pas l’œil, mais le concept... La croyance en la science semble avoir pris le pas sur la croyance en la religion, comme nous le fait savoir F. Leguil. Mais comment faire en sorte qu'elle ne couvre pas tout l'espace discursif ?

Même si le Conseil d'Etat a considéré que les recommandations de la HAS de 2012 étaient obsolètes, elles courent toujours.

Le postulat selon lequel aucune recherche ne saurait échapper à l’evidence based medecine exclut de facto les études psychanalytiques. En effet, les études randomisées en double aveugle ne peuvent que s'accompagner d'une forclusion du sujet. L'inconscient, le sujet, ne sont tout simplement pas de la partie.

Les échanges de cette soirée mettent en avant l’importance d’un discours opposable à ces positions-là, qui n’oublie pas que la science reste incomplète, trouée.

Continuons de parler des sujets que nous rencontrons, présentons nos cas cliniques, travaillons à plusieurs à fonder une clinique orientée par le respect de la singularité de ceux que nous accueillons.

Continuons d’interroger les ratages et les limites des protocoles pour faire apercevoir que le sujet échappera toujours à un savoir censé convenir pour tous.

Les causes de l’autisme restent une question irrésolue mais la cause du sujet est nôtre !

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