Le recours que plusieurs associations ont porté devant le Conseil d’état contre l’arrêté de 2021 n’a pas été agréé. Depuis, des « dispositifs pansements » voient le jour … et pourtant, le traitement par la parole est plus que jamais nécessaire tant notre société fait tout pour éviter de prendre en considération le parlêtre. Parler, dire… autant de signifiants exclus des signifiants maîtres de l’époque !
Alors qu’il est question de mettre en place une application téléphonique pour aider les étudiants dépressifs et de proposer de la sophrologie pour soulager l’anxiété des étudiants : quelle fonction peuvent tenir les psychologues dans les bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU), alors que ces dispositifs clefs en main, prêts à consommer, compromettent la possibilité d’établir un lien transférentiel ?
Face à la détresse grandissante des étudiants, des structures comme les BAPU se trouvent confrontés à une demande croissante. Les psychologues orientés par la psychanalyse prennent le temps d’accueillir les sujets, avec leur symptôme, ne cherchant ni à l’éradiquer ni à le dissimuler. Ils écoutent ce que chaque parlêtre a de plus intime, prennent le temps de respecter la temporalité de chacun, se font, chacun, « partenaire » du symptôme et proposent un abri dans lequel chacun peut loger sa parole.
Mais devant les portes de l’institution le bulldozer est en route : les chèques psy étudiants (l’échec psy étudiants ?) et maintenant le dispositif monPsy s’immiscent dans nos institutions. Ainsi, voudrait-on que nous, psychologues cliniciens du BAPU, adhérions au dispositif monPsy. Ne soyons pas dupes, il s’agit d’obtenir des financements : chacune de nos consultations serait cotée et télétransmise, rapportant 30€ au service. Au-delà de cette question d’argent, qui somme toute est le nerf de la guerre, nous y avons vu d’autres menaces plus subtiles et dangereuses :
Il mentionne des critères d’exclusion pour les patients qui ne sont pas en adéquation avec les signes cliniques que présentent les étudiants reçus au BAPU. Nous y voyons alors une « mise en concurrence » entre les étudiants, qui est contraire à notre éthique professionnelle.
Notre formation universitaire à Bac +5, et surtout la formation que nous continuons à nous donner après la fin du cursus, nous permettent, grâce à des stages, d’accueillir des patients du côté d’une psychose décompensée, avec de sévères troubles anxieux, avec des troubles alimentaires importants, ainsi que des patients avec des troubles anxieux et dépressifs légers. Pourquoi ne pourrions-nous plus recevoir ce qui représente une majorité de nos patients ? Notre formation en psychopathologie et l’orientation du BAPU, avec ses réunions cliniques et l’analyse des pratiques professionnelles, sont là pour réduire les risques de fortes décompensations ou des passages à l’acte du côté des sujets que nous recevons. Cette pratique clinique a fait ses preuves au BAPU depuis des années et nous ne voulons pas que la mise en place de ce dispositif permette une remise en question de la qualification des psychologues.
Là où le psychologue se trouve sous la tutelle du médecin via l’adressage (ordonnance déguisée). Nous voyons un glissement vers une paramédicalisation de notre profession et nous la refusons. Nous voulons conserver notre autonomie d’exercice et notre appartenance au champ des sciences humaines et sociales.
Avec le passage de la carte vitale pour chaque consultation, nous y voyons une tarification à l’acte comme la T2A à l’hôpital. Nous nous y refusons car le soin, qu’il soit psychique ou non n’est pas une marchandise et n’implique pas un rendement. Nous tenons à proposer un accompagnement de qualité. Nous souhaitons que cette pratique perdure.
Les comptes-rendus au médecin en début de suivi et en fin de suivi avec les patients, s’ils deviennent obligatoires, sont une entrave aux relations de confiance que nous entretenons naturellement avec nos partenaires, assujettis comme nous au secret professionnel. Les psychologues recevant des étudiants accueillent une parole fragile au sortir de l’adolescence et de la rencontre avec le sexuel. Ces dires sont impartageables par définition, et les psychologues qui en sont dépositaires ont à cet égard une responsabilité qui ne se partage pas non plus.
Notre désir est donc bien décidé à défendre une pratique hors protocole et à l’écoute du parlêtre. Il nous a permis de faire reculer, au moins pour un temps, le bulldozer qui était devant la porte de notre institution. C’est parce que chacune et chacun de nous, chères et chers collègues psychologues, avons pu faire remonter ce qui nous semble être anti déontologique et maltraitant pour les sujets que nous recevons qu’il a été décidé dans les discussions avec les interlocuteurs du Ministère de l’enseignement supérieur de ne pas appliquer le dispositif MonPsy au sein des Services de Santé Universitaires et des BAPU qui y sont parfois rattachés.
Continuons à dire et faire savoir ce qui nous anime !
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