Claire Ballongue
Fin décembre 2019, l’ARS Nouvelle-Aquitaine adresse un cahier des charges à l’ensemble des CMPP, (Centres médico-psycho-pédagogiques) de sa région.
Les CMPP se trouvent, depuis lors, confrontés à une transformation profonde voire à un véritable démantèlement de leurs structures. Pourquoi ?
Parce que ce cahier des charges promulgue la transformation de ces lieux d’écoute, de diagnostic et de soin pour tous les enfants et adolescents en plateforme.
Une plateforme a pour mission de poser des diagnostics, de faire des recommandations, d’orienter, d’informer, de conseiller. Le soin n’est plus de mise. Il se trouve d’ailleurs réduit, dans le cahier des charges, à trois axes : rééducatif, neuropsychologique si nécessaire, et médical.
Le cahier des charges se base sur les droits et devoirs suivants :
- les enfants présentant un trouble du neurodéveloppement (TND) ont le droit d’être reçus,
- les enfants ont le droit d’être bien diagnostiqués,
les professionnels ont le devoir d’être bien formés,
les parents et les enfants ont le droit de connaître le diagnostic posé,
tous les enfants présentant un TND ont droit à l’inclusion scolaire.
Examinons-en les conséquences.
Le cahier des charges s’appui sur la classification nosographique du DSM-5, édictée comme celle qui doit faire référence. Cette classification vient mettre au cœur du cahier des charges la catégorie des TND, entendue comme celle qui devrait devenir la nouvelle patientèle à privilégier par les CMPP. Or, le TND renvoie directement aux thèses promues par les neurosciences. La thèse « neuro » se trouve sur le devant de la scène et vient à s’imposer comme seule approche possible.
Pour être bien diagnostiqué, seul le testing est envisagé. Une liste de bilans « conformes » est annexée au cahier des charges.
Le droit au soin pour tous se réduit à un droit à savoir le diagnostic.
Un professionnel bien formé, selon les critères de l’ARS Nouvelle Aquitaine, est celui qui respecte les bonnes pratiques professionnelles. La poursuite de l’activité des CMPP est soumise à l’application de ces RBPP.
Une pratique uniformisée et standardisée s’impose. Il est demandé « une mise en conformité de 100% des pratiques professionnelles aux recommandations » de bonnes pratiques déclinées comme suit : bilans diagnostiques, évaluations fonctionnelles, évaluations neuropsychologiques, rééducations fonctionnelles.
Il est préconisé de mettre en place des programmes à l’attention des parents : programmes de psychoéducation ou d’éducation thérapeutique, programmes de valorisation des savoir-faire parentaux et ce, afin que les parents puissent être accompagnés de la bonne façon.
Côté enfants, on doit passer de multiples tests; côté parents, on répond à des programmes ; côté professionnels, on applique des méthodes standardisées.
Ce qui s’observe sur le terrain :
- Des CMPP mettent en place des « commissions de traitement des inscriptions » conduisant à un tri des enfants au bénéfice de ceux susceptibles de présenter un TND. A partir d’un projet d’inclusion, de l’exclusion est générée.
- Transformation de certains CMPP en pôles neurodéveloppementaux composés d’équipes spécialisées « Autisme » et d’équipes spécialisées « Dys/TDAH ».
- Fermeture du CMPP de Pessac (Gironde) lequel est transformé en plateforme TND et délocalisé sur le libournais.
L’enfant idéal de l’ « ARS NA » est celui que l’on diagnostique et auquel on propose une pratique uniformisée et standardisée. Cotez, cochez, diagnostiquez, préconisez, telles sont les injonctions faites aux professionnels des CMPP, voilà ce sous quoi il nous est demandé de nous ranger.
Nous assistons là à une attaque massive des pratiques de parole. Dans un tel contexte, la question se pose, pour chaque clinicien, de la manière dont il va pouvoir poursuivre son travail. Quels pas de côtés pouvons-nous inventer afin de continuer de faire place à la parole des enfants ? Quels espaces possibles pour leurs singularités, leurs symptômes ? Nous le savons bien, les symptômes ne pourront jamais se loger dans aucun protocole préétablit.
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