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Nathalie Georges-Lambrichs

Sécurité sociale, mon beau souci





Sécurité sociale, devenue Sécu pour les familiers, si on ne l’a pas, on fait tout pour l’avoir. Certains tentent des parcours ou des exils à grands risques pour vivre sous son régime bienfaisant. C’est en 1945 que le signifiant sécurité s’est imposé, dans les grandes ordonnances qui fondèrent l’institution et la baptisèrent. Retracer les grandes dates de son mouvement, de la retraite à la mutuelle et passant par l’assurance, n’est pas sans intérêt. Que la sécurité ait prévalu au lendemain de la seconde guerre mondiale ne surprend pas, ni que l’appellation perdure dans le climat d’insécurité et de ségrégation préoccupant que nous connaissons.


Aujourd’hui, les psychologues sont sur le seuil de La Sécu qui fêtera l’an prochain ses 80 ans, et c’est le premier ministre qui leur en ouvre la porte à deux battants. Étrange, se dit le citoyen qui sommeille en chaque psychologue, étrange de se trouver invité à se conventionner avec la Sécurité sociale, dont on croit savoir que le déficit se creuse chaque jour davantage. Et pour une consultation à 50 €… Oserai-je encore regarder mon généraliste dans les yeux, se dit le psychologue, jeune ou pas, qui n’a pas fait autant d’études et surtout, pas, mais pas du tout les mêmes ? 


Il faut dire que malgré ces questions, le psychologue n’a pas laissé tomber Psyché. Il est même seul préposé aujourd’hui aux tourments de l’âme dont on sait que l’amour l’égare, l’étreint quand il ne l’accable. L’amour et la sécurité convoleraient en justes noces ? Décidément notre gouvernement ne recule devant aucun paradoxe…


Mais soyons sérieux. Que se passe-t-il ? Sommes-nous aimablement conviés, ou hypocritement poussés ? De doux égards enroberaient-ils une vraie contrainte, et si oui à quelles fins ?


Sans doute les psychologues qui veulent travailler, qui s’installent tôt en libéral et ne manquent pas de clientèle ne sont-ils pas, eux, occupés de confort ou de sécurité. Ce qu’ils défendent, ce sont les bonnes conditions de leur exercice. Ils ont des instruments pour se faire connaître. Les réseaux sociaux les avantagent, des plates-formes comme les pages jaunes, Doctolib et ses avatars toujours plus nombreux, concurrence oblige. 

Sans doute sont-ils nombreux à déplorer qu’on ne se concerte pas avec eux sur la bonne politique à suivre en matière de consultations publiques, que les CMPP souffrent de reconversions forcées, que les CMP soient débordés et obligés de constituer des listes d’attentes indéfendables, et, last but not least, que seuls les conseils émanant d’une « fédération » dont la discrétion confine à la clandestinité soit agréés (sauf erreur de notre part), faisant valoir sans concertation d’ensemble ses calculs et ses préjugés. 

Alors ? Le premier ministre va-t-il enterrer le service public ? Il semble qu’on aille dans ce sens. Les pratiques libérales sont vouées à se substituer aux CMP, guidances et autres dispensaires ? Il semblerait. Les cabinets libéraux amenés à les remplacer ? Comment penser que non… mais pourquoi diable pousser les psychologues au conventionnement alors qu’ils ne sont ni médecins ni paramédicaux ? La sécurité sociale serait intéressée à l’affaire ? Autant les psychiatres sont missionnés pour protéger la société contre les citoyens qui menacent son ordre, autant les assistants sociaux doivent venir en aide aux plus démunis, autant les psychologues… Eh bien non. Les psychologues ne font pas série avec les psychiatres, ni avec les assistants sociaux. Le public ne s’y trompe pas, qui préfère souvent s’adresser à un psychologue pour parler de ses difficultés personnelles, sachant que le psychiatre pourra être consulté également et prescrire si le besoin s’en fait sentir.

L’État serait-il gêné par cette parole libre, délivrée dans des cabinets où règnent sans partage la confidentialité et le secret professionnel ? Trouve-t-il illégitime que des professionnels dûment formés à l’Université en sciences humaines, déclarés à l’ADELI, assujettis à l’impôt, fassent profession de pratiquer sous le contrôle de leurs pairs, seuls experts en leur domaine ? N’outrepasserait-il pas ses missions de « protection du public » si tel était le cas ? Car ce serait le dernier bastion du libéralisme qui serait ainsi visé, et l’illibéralisme qui serait embusqué non loin.


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