Depuis le mois de juin 2022, les équipes de correspondants en région de l’association des Psychologues freudiens ont entrepris un travail de rencontre et d’échanges avec les députés de leur régions[1]. Une trentaine de rencontres ont eu lieu dans toutes les régions de France.
Le premier sujet d’échange consistait à alerter au sujet des dangers pour notre profession du dispositif MonParcoursPsy et d’informer des raisons de notre choix du boycott de ce dispositif. À chaque fois, les échanges ont dépassé la question du dispositif proprement dit pour ouvrir à un dialogue plus large.
Dans l’ensemble, nous avons eu le plaisir de rencontrer des députés concernés par la défense des soins psychiques, sensibles au rôle des psychologues dans notre société, en recherche d’informations et d’éléments pour construire un angle d’attaque, ouverts à des propositions construites qui puissent éventuellement faire force de proposition de loi.
Très respectueux de notre métier, ils sont conscients que notre profession tisse du lien social, ou aide à en retisser lorsque celui-ci se défait.
Notre souhait était, lors de chaque rencontre, d’ouvrir à un échange. Nous avons à chaque fois eu l’heureuse surprise de rencontrer des oreilles attentives et concernées par les enjeux qui nous animent.
Claire Ballongue va ici vous faire part des éléments clés de ces échanges féconds.
Solenne Albert
Pour le bureau des Psychologues freudiens
L’association des Psychologues freudiens, prenant appui sur le transfert de chacun de ses membres à la psychanalyse, organise, depuis le mois de juin dernier, des rencontres avec les députés. Son but ? Permettre qu’une place reste ouverte au sujet de l’inconscient, et à la psychanalyse, dans notre époque où le tout-neuro fait florès.
Les équipes régionales de l’association ont pu nouer un dialogue avec leurs élus. Ainsi, certaines de ces rencontres ont donné lieu à de fructueux échanges, qui ont parfois essaimé et circulé jusque dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
À l’heure de la forclusion généralisée de l’inconscient, il nous paraît absolument nécessaire d’alerter et de dire nos inquiétudes quant aux politiques qui dessinent des choix fondamentaux pour nous aujourd’hui, pour nos enfants demain. Il s’agit d’indiquer en quoi certaines décisions gouvernementales qui entendent réformer les modalités du soin psychique ont des conséquences sur la formation de tous les « psys », et des psychologues en particulier, conséquences graves, puisqu’elles sont susceptibles de balayer l’éthique qui légitime, à nos yeux, nos pratiques. C’est pourquoi l’association des Psychologues freudiens a choisi de défendre, de façon décidée, la nécessité du maintien d’une pluralité des pratiques.
Nous avons choisi comme pivot de ces rencontres avec nos députés le dispositif MonParcoursPsy. Cela nous a permis de préciser, d’illustrer, nos positions et les raisons de notre refus de ce dispositif. Il nous semble en effet nécessaire de mettre en évidence la paramédicalisation des souffrances psychiques inhérente à celui-ci, paramédicalisation qui est un point d’opposition ferme pour nous, Psychologues freudiens, qui n’avons jamais pratiqué sous ou « sur » prescription médicale, mais toujours en nous articulant, si nécessaire, avec tel ou tel médecin au sujet de tel ou tel patient.
À ce jour, 24 élus ont répondu favorablement à nos demandes de rendez-vous et ont pu être rencontrés, dans la majorité des cas, sur le lieu de leurs permanences parlementaires. Ces élus se sont montrés tout à fait attentifs et intéressés par les questions que nous soulevions et ce, quelle que soit leur appartenance politique. Nous avons été reçus aussi bien par des députés de la majorité présidentielle que par des députés de l’opposition (NUPES).
Nous nous sommes ainsi lancés dans un travail de maillage du territoire.
Ceci nous permet de faire connaître notre métier. Nombre de parlementaires ont une idée assez floue du métier de psychologue. Pour exemple, beaucoup ne savent pas que nous ne dépendons pas du ministère des Solidarités et de la Santé. Ainsi, faute d’une connaissance précise, l’adressage par un médecin des patients vers le psychologue tel que proposé dans le dispositif MonParcoursPsy ne posait pas forcément question et pouvait même apparaître à certains comme « naturel », voire même une avancée positive, un premier pas pour proposer aux patients de s’adresser à un psychologue.
Nous avons tout un travail d’information, de sensibilisation à mener afin de soutenir l’indépendance de notre profession. Un travail de précision afin que les prises de positions et les décisions de nos parlementaires soient guidées par une opinion éclairée mettant en lumière l’énorme risque d’uniformisation de nos pratiques auquel nous sommes suspendus toutes et tous. Souvent, tel ou telle de nos représentants avait, dans sa vie personnelle, rencontré un psychologue ou connu quelqu’un de son entourage qui avait une expérience dans ce domaine, et ils ont d’autant plus saisi le sérieux de notre démarche. D’autres partageaient nos préoccupations, souvent du fait du métier qu’ils exerçaient jusque-là (enseignants, avocats, ...). Ils ont pu nous dire l’importance, pour eux, de pouvoir prendre appui sur nos positions pour soutenir les leurs.
Certains sont en demande de pistes de réflexions qui leur permettent de soutenir une argumentation auprès de leurs collègues de l’Assemblée nationale. D’autres se montrent très ouverts à la possibilité de proposer des amendements voire des propositions de loi.
Suite à ces rencontres plusieurs questions écrites ont été adressées au ministre des Solidarités et de la Santé, voire au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Les députés nous ont sollicités au préalable afin que nous puissions préciser, avec eux, la formulation de la question. Un certain nombre d’entre eux pensent que poser des questions pourrait permettre d’ouvrir à un débat là où la parole a été rejetée, les professionnels n’ayant pas été sollicités lors de la création de ce dispositif, ni entendus ensuite.
Beaucoup ont mis en avant la nécessité d’évaluer le dispositif, de connaître l’avis des médecins et des psychologues qui y adhèrent.
Comme il nous l’a été expliqué, le montage financier du dispositif MonParcoursPsy est construit à partir du budget santé, l’appui sur un autre budget paraissant bien trop complexe à réaliser. Cependant, il est apparu, au cours de ces entretiens, à un certain nombre de députés, qu’une solution serait de transférer les budgets alloués au dispositif vers les CMP et les CMPP. Une députée a même sollicité la possibilité de visiter un CMP de sa circonscription afin de connaître plus précisément ce type de structures !
Actuellement, des propositions de lois portant sur la santé mentale et la psychiatrie circulent. Nous y sommes très attentifs et espérons que les liens engagés auprès des députés permettront de soutenir la nécessité fondamentale de la liberté des pratiques du psychologue.
Claire Ballongue
[1] Cet écrit a été rédigé à partir de la lecture des comptes-rendus des correspondants PF en région.
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