Philippe Cousty
Uniformisez les pratiques psy par le recours à l’acronyme : TIP, TPD , TCC, autorisé par leur « point commun qui est de reposer sur un échange verbal structuré », opérez un glissement pour conclure que « les psychothérapies peuvent avoir une visée tantôt prophylactique tantôt curative d’un trouble psychique ».[1]
Ajoutez un zeste d’opinion publique, « la perception des psychothérapies est porteuse d'ambiguïtés. Pour la plupart de nos concitoyens une demande de psychothérapie serait un aveu de faiblesse, voire stigmatisante », et ensemencez d’un soupçon de mauvaise foi : « À l’opposé l’on connaît l’engouement de la littérature du 20e siècle aussi bien que du cinéma ou des médias pour la théorie psychanalytique. A cela s’ajoute désormais la vogue de la méditation auréolée d’un parfum de cultures lointaines ». Décantez, vous obtenez : la psychothérapie vise « à corriger les dysfonctionnements psycho-comportementaux »[2] … Reste à dire si le terme de psychothérapie est toujours justifié.
Passez au tamis des recommandations des bonnes pratiques, des données de la littérature, de l’expertise de l’INSERM 2004[3], posez négligemment la question : « Quid des corrélats neurobiologiques ? » et grâce au nouveau poumon de Toinette « l’imagerie cérébrale » établissez que les pathologies sont neuro puisque les images le prouvent dans un avant et après une psychothérapie.[4]
Logiquement reposez la question de la formation des psys : effacez le titre de psychothérapeute qui « n’a pas de valeur de qualification professionnelle : il indique la compétence que peuvent revendiquer divers professionnels, au premier rang psychologues et médecins ».
Vous obtenez une solution du psychologue comme para-médical ![5]
Vous pouvez alors passer à l’organisation de l’offre de soin qui se montre imparfaite. Il faut « de nécessaires évolutions », dont les expérimentations faites par la CNAM, ou des dispositifs divers où le psychologue est auxiliaire du médecin, prouvent que l’on répond mieux aux besoins de la population… Liez avec la mission IGAS qui disait « le cadre de la formation des psychologues est hétérogène et peu lisible pour les autorités sanitaires », « le titre de psychologue est établi sans cadre établi ».[6]
Mais des perspectives existent… ouf on s’inquiétait !
« Toute trajectoire humaine est porteuse de confrontation à des périodes de mal-être psychique » … L’ANM rappelle qu’un mal-être pose la question d’un diagnostic médical, et s’ensuivant d’un traitement dont les psychothérapies sont un des possibles constituants ». Mais attention, si la psychothérapie est efficace, « le champ de la psychothérapie ne saurait se référer à une théorie unique, sinon la volonté d’entendre ce que la personne veut exprimer. Telle est cette catégorie de psychothérapie parfois désignée comme psychothérapie du médecin généraliste qui a mission d’écouter avec empathie la plainte physique ou psychique de son patient » … [7] Telle est la thèse de nos experts Diafoirus! [8]
Reste à faire les recommandations qui vont toutes dans le sens d’une para-médicalisation de la profession psy, de sa mise sous tutelle des médecins, des agences et de l’université, de soupçon mettant en place « un cadre déontologique et réglementaire des pratiques psychothérapiques notamment au regard du secret professionnel, de l’accès aux informations médicales, de la responsabilité professionnelle. ». Et l’on n’oublie pas la labellisation des outils numériques pour certaines modalités psychothérapiques à l’instar de ce qui est en vigueur pour les dispositifs médicaux.[9]
La messe est dite ! Braves gens circulez, il n’y a plus rien à voir !
Qu’est-ce que c’est que cette potion que nous sert l’ANM ?
Comment une si prestigieuse institution peut-elle produire un rapport où le manque de sérieux s'allie à la malhonnêteté intellectuelle, aux manipulations et à une logique qui ne doit rien au sérieux du raisonnement scientifique attendu d'un tel écrit mais qui doit tout à la mise en relation d’énoncés pris comme des vérités évidentes et de toujours visant à affirmer un postulat préétabli ?
L’on ne peut y voir qu’une seule explication, l’ANM n’a qu’un but : estampiller de son nom prestigieux les projets de la bureaucratie sanitaire et du gouvernement, de libéraliser la santé, et donc de faire du champ psy une marchandise comme une autre. Un produit évaluable, traçable, susceptible d'être mise en chiffre, subissant - via les agences - des contrôles de qualité, dans un processus qui en maximise l'efficacité avec un coût minimum et une plus-value maximum. Peut-être n’est-il alors pas anodin que le rapport commence par « les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d’intérêt avec ce rapport » … !
[1] Partie A
[2] Partie B
[3] Partie C
[4] Partie D
[5] Partie E
[6] Partie F et G
[7] Partie H
[8] Diafoirus père et fils sont les médecins du Médecin imaginaire de Molière
[9] Recommandations
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