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René Fiori

Le tic et le temps





Nous sommes donc à l’heure où les troubles du neurodéveloppement – entendez : les troubles dys, les troubles du spectre de l’autisme, les tics et le syndrome de Gilles de la Tourette – font l’objet d’une attention redoublée par les pouvoirs publics : création d’un conseil national dédié à ces troubles, nomination d’un délégué interministériel, dans le même temps où de nouvelles molécules pour le traitement du TDAH sont en cours d’autorisation de mises sur le marché. Si certains de ces troubles n’ont pas encore trouvé leur médication, soyons sûrs que le terme « neurodéveloppement » induit dès à présent des recherches en ce sens, par exemple pour les tics, lesquels sont également coiffés de leur acronyme : SGT pour Syndrome Gilles de la Tourette. Ainsi peut-on lire sur le site du CHU de Bordeaux :

« L'idée d'une hyperactivité du système dopaminergique (un des neurotransmetteurs du cerveau) dans les tics a depuis longtemps conduit à proposer les neuroleptiques (agents bloquants de la dopamine) pour leur traitement. Les neuroleptiques classiques restent un traitement de référence mais ils présentent de nombreux effets secondaires qui limitent leur utilisation, notamment chez l'enfant. Depuis quelques années sont apparus des neuroleptiques de nouvelle génération qui ont moins d'effets secondaires. Néanmoins, le risque d'altération cognitive, compromettant la scolarité, limite leur utilisation aux formes les plus sévères. Chez des patients présentant un handicap particulièrement lourd, la stimulation cérébrale profonde représente un espoir mais son intérêt sur le long terme reste à être évalué ».[1]

Plus précisément il s’agirait de troubles neuropsychiatriques, avec pour certains d’entre eux une « comorbidité » avec d’autres troubles (TDAH ou TOC). Les tics vont de simples tics moteurs, (reniflements, clignements des yeux, toux répétitive), en passant par l’échopraxie (imitations gestuelles), la vocalisation (cris violents, aboiements), l’écholalie, la coprolalie, (prononciation de mots orduriers).

Nous aurons compris que nous sommes dans le cas d’un transfert à la neurologie et au médicament, faisant l’impasse sur le transfert comme lien social entre le praticien et le patient. Pourtant cet outil épistémologique qu’est le transfert[2], peut être opérant dans certains de ces cas. Celui que nous rapporte Freud, au début de sa pratique de psychanalyste[3] est un de ceux-là. Mais voilà, le temps du transfert n’est pas le temps du comprimé.

 

Il s’agit d’une femme qui se faisait remarquer par un claquement de la langue intercalé dans sa conversation. Freud a écouté ce bruit pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce qu’il veuille s’enquérir de la date et de l’occasion où il était apparu. La patiente resta évasive : « Je ne sais pas quand, oh il y a longtemps ». Freud choisit alors l’hypnose pour hâter l’accès au savoir refoulé . Il apprit alors que l’évènement déclenchant avait été la maladie de son enfant qui avait occasionné chez lui des convulsions durant toute la journée, ne trouvant à s’endormir que le soir venu. La réflexion qui vint à l’esprit de cette personne fut la suivante : « maintenant tu dois être tout à fait calme pour ne pas éveiller ta fille ». Mais ce n’est que plusieurs années plus tard, que ce claquement s’installa définitivement, à l’occasion d’un orage, où un éclair frappa un tronc d’arbre devant la calèche, avec  la profération de cette indication par le cocher : « Maintenant tu ne dois surtout pas crier sinon les chevaux vont s’effrayer ». Manifestation dont la personne a conscience, mais qui assiste, impuissante à une « contre-volonté » décidée.

La disparition du tic, ici corrélé à l’hystérie, lorsqu’il fut « ramené à son fondement », fait dire à Freud qu’il ne s’agissait pas d’un tic véritable. Il y a donc tic et tic. Mais fera-t-on le distinguo une fois le médicament érigé en panacée ?



[1] Tics : la consultation spécialisée et multidisciplinaire du CHU de Bordeaux, disponible sur internet.

[2] Miller J-A, « On aime celui qui répond à notre question “Qui suis-je” », Psychologies, n°278, octobre 2008.

[3] Freud S., « Un cas de guérison hypnotique », Résultats, idées, problèmes, tome 1, 1890-1920, Paris, PUF, 1984.

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