En lisant le rapport de l’Académie nationale de médecine[1], « Psychothérapies : une nécessaire organisation de l’offre », un paragraphe a retenu plus particulièrement mon attention : "Indications et efficacité des psychothérapies". Rester silencieuse face à tant d’ignorance de notre pratique, c’est cautionner leur dire. Alors, aiguisons nos plumes : « Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie »[2].
La psychanalyse, la psychologie clinique, les psychothérapies, ce n'est pas la médecine. Eh bien penchons-nous comme le mentionne ce rapport sur « … les recommandations de bonnes pratiques… ». Dans quelle mesure une psychothérapie est-elle recommandable, plus louable qu’une autre ? En quoi une TCC serait-elle plus efficace ?
Depuis Freud et jusqu’à ce jour, la psychanalyse s’est beaucoup développée indépendamment de la médecine. Ce n’est pas une technique médicale, il est donc difficile de l’évaluer. Cette pratique thérapeutique témoigne de son rôle essentiel dans la prise en charge des patients et cela quelle que soit la diversité clinique. Elle contribue ainsi au mieux-être des sujets. Beaucoup de recherches scientifiques prouvent son efficacité. En effet, comme le démontre cet article de la Société Suisse de Psychanalyse : « L’intense activité de recherche internationale dans le domaine de la psychothérapie psychanalytique se trouve recensée dans l’Open Door Review de Fonagy et al. (2001), accessible sur Internet ; elle cite plus de 40 recherches actuellement en cours ou achevées. Environ un tiers de toutes les recherches les plus récentes sont ainsi consacrées au processus thérapeutique et à la corrélation, pour les psychothérapies psychanalytiques, entre processus et résultats. »[3] On peut lire dans cet article l’efficacité de la psychanalyse et cela quelles que soient ses diverses formes d’application clinique. L’auteur précise que les effets sont mesurables : « de la diminution des symptômes jusqu’au rétablissement des aptitudes à travailler, à éprouver du plaisir et à établir des relations. Ceci va de pair avec une satisfaction existentielle accrue ainsi qu’avec une meilleure santé psychique et somatique, selon la définition de l’OMS, englobant bien-être psychique corporel et social. »
D’une autre façon, on pourrait également citer le texte de Pierre Prades[4] dans lequel il évoque un article de Jonathan Shelder [5] « The efficacy of psychodynamic psychotherapy », paru au début de l’année 2010 dans The American Psychologist. Sur la base d’une compilation de nombreuses études empiriques, il conclut que les thérapies « psychodynamiques » (TP) inspirées de la psychanalyse sont au moins aussi efficaces que les thérapies cognitives et comportementales (TCC). » « Shedler conclut au contraire à une plus grande efficacité des thérapies psychodynamiques, à contre-courant de ce qui avait fini par devenir une idée reçue ». Cet auteur va même préciser que les « différencesméthodologiques entre les traitements psychothérapeutiques et médicamenteux sont suffisamment grandes pour que les tailles d’effet cessent d’être directement comparables ». Ainsi, dans un contexte culturel où l’usage des médicaments est important, Shelder indiquera que « les thérapies psychodynamiques obtiennent des effets très honorables : 0,97 selon une méta-analyse publiée en 2006 par la Cochrane Library, institution de référence pour ce type d’étude. Mieux encore, selon cette même étude, la taille d’effet s’accroît à 1,51 lors de l’évaluation de suivi, plus de neuf mois après la fin du traitement. Ces résultats concernent l’amélioration générale des symptômes, mais les effets à long terme sont encore plus nets pour l’amélioration des troubles somatiques[6] ».
Comme le soulignent A. Braconnier, B. Hanin et R. Gori [7], « les TCC ne sont pas des psychothérapies et leur rationalité technique procède d’une démarche psychorééducative permettant la réhabilitation de scénarios et de schémas d’apprentissage sinistrés. C’est toute une conception cognitivo-instrumentale de l’individu qui fait bien souvent du psychologue l’instrument d’un pouvoir qui transforme l’homme en instrument… ». Mais comment peut-on réduire la souffrance psychique à des standards, à des remédiations cognitives sans tenir compte du sujet de l’inconscient ? Ladomestication de l’inconscient n’aura donc pas lieu.
[1]Rapport de l’Académie nationale de médecine dans sa séance du mardi 18 janvier 2022
[2]Citation d’Albert Londres, journaliste et écrivain français.
[3]Article sur internet de la Société Suisse de Psychanalyse, « Indication et efficacité » : version HTML du fichier,
https://www.appops.ch/app/download/348291706/indication_et_efficacit%C3%A9+SSPsa.pdf?t=1466491678&mobile=1.
[4]Article de P. Prades : « L’efficacité des thérapies psychodynamiques : une validation empirique de la psychanalyse ? : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2011-2-page-51.htm
[5]À propos de Jonathan Shedler, « The efficacy of psychodynamic psychotherapy », American Psychologist, University of Colorado Denver School of Medicine, February- March 2010. [En ligne] : www.nvpp.nl/JonathanShedlerStudy20100202.pdf.
[6]Cette méta-analyse agrégeait vingt-trois études, portant sur 1 431 patients souffrant de troubles ordinaires, c’est-à-dire non psychotiques, comme la dépression, l’anxiété, les troubles relationnels ou de la personnalité des troubles somatiques fonctionnels, etc. Ces patients avaient tous suivi des thérapies psychodynamiques brèves, en moins de quarante séances.
[7]A. Braconnier, B. Hanin, R. Gori, « Psychanalyse et psychothérapies : débat et enjeux ». Dans « LeCarnetPsy » du 01 avril 2006, n°107
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