La soirée du 17 octobre, « Autisme, contre le dogmatisme », organisée par l’association des Psychologues freudiens, Solenne Albert demandait à Jean-Claude Maleval s’il n’aurait pas quelque conseil à lui donner pour ne pas abandonner la lutte, après le rejet de la requête déposée par l’association contre l’arrêté du 10 mars 2021. Voici quelle a été la réponse de Jean-Claude Maleval : « le psychologue orienté par la psychanalyse devrait chercher à sauvegarder ou à instaurer des réunions cliniques ». Il ajouta qu’il ne s’agit pas de se positionner comme détenteur d’un « savoir plus solide », mais plutôt d’adopter une position d’humilité quant à la prise en compte des sujets dans les institutions.
Cette indication m’a particulièrement interpellée, car elle accentue l’importance pour les psychologues orientés par la psychanalyse de prendre place dans les institutions, dans la visée éthique d’y faire vivre la clinique auprès de chaque professionnel.
En effet, la formation qui est la nôtre tend à nouer clinique de la parole et présence en acte, ce qui fait valoir la singularité du cas. Ainsi, « tenir compte de la clinique », c’est nécessairement privilégier la considération du « un par un ».
Soutenir les temps d’élaboration clinique en institution, c’est donc installer et protéger des temps de travail où chaque professionnel intervient en responsabilité du fait de son désir. Dans ces réunions, l’essentiel est ce qui se dit du sujet en question. Autrement dit, dans ces réunions, c’est de l’énonciation que l’on tient compte. Le psychologue orienté par la psychanalyse n’est, alors, pas celui qui est « au-dessus », en surplomb, mais bien celui qui maintient un trou dans le savoir ; qui veille aux conditions de possibilité de la clinique et au maintien des élaborations sur la brèche ; qui objecte à la clôture du savoir. Le psychologue orienté par la psychanalyse met la clinique au travail pour que chacun se fasse élève de celle-ci, se laisse, se fasse enseigner par elle.
Soutenir l’élaboration clinique dans les institutions, c’est alors privilégier la particularité aux dépens de l’idéal. La mise en œuvre du travail au un par un permet aux éducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, rééducateurs ou soignants de témoigner de leur pratique et de faire le pari du transfert. C’est que le transfert n’a chance d’être repéré que si la singularité du sujet est respectée par les autres professionnels. Or, c’est grâce au transfert que les psychologues orientés par la psychanalyse peuvent travailler avec une certaine souplesse. Les institutions dominées par un discours cognitivo-comportemental font justement l’impasse sur le transfert. Dans ces lieux où la dimension clinique n’est pas prise en compte, il s’agit de rééduquer les comportements des usagers pour faire rentrer ces derniers dans la norme.
Alors, faire le pari du transfert, c’est soutenir une clinique vivante et ainsi défendre l’idée qu’il n’y a pas lieu d’adapter le sujet à l’institution, mais que, tout à l’inverse, c’est l’institution comme discours qui se trouve au service du sujet.
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