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Nathalie Georges Lambrichs

En direction des J54 de l’École de la Cause freudienne





Sur le thème « Phrases marquantes », l’École de psychanalyse ECF, École de la Cause freudienne, avec laquelle nous partageons l’adjectif dérivé du nom de Freud, prépare activement ses prochaines Journées d’études. Elle marque qu’elle ne cède ni sur le corps, puisque ces Journées auront lieu en présence, pour la première fois depuis l’épidémie du Covid et le confinement, ni sur la langue faite de phrases, lesquelles, telles des flèches, ont un point de départ et un point d’arrivée. Sans doute bon nombre d’entre elles se perdent-elles en route ou en mer, diluées, défaites, désarticulées, explosées en vol ou pire, jamais formées, brisures de mots flottant dans le brouillard qui nous enveloppe, à la fois obstacle et conducteur, fluff dans lequel il fait bon dormir comme en se rêvant nuage à travers le hublot pour ne pas voir et ne pas savoir, jusqu’au moment, brutal, où des mots jaillissent, comme du mur la voix de Big Brother et vous commandent.

 

La Haute autorité de santé (HAS)[1] vient de publier un « communiqué de presse » intitulé « TDAH de l’enfant et adolescent », abondamment relayé. Il y est question de « former plus de professionnels pour réduire les délais de prise en charge ». On y apprend que « actuellement, seuls les pédiatres, psychiatres et neurologues pour enfant peuvent poser un diagnostic et sont autorisés à initier un traitement médicamenteux », et que, « [d]ans l’objectif d’élargir l’offre de soins sur le territoire, la HAS appelle aujourd’hui les pouvoirs publics à étendre ces compétences à d’autres médecins (les médecins généralistes notamment) : ces derniers suivront alors une formation structurée et diplômante, en lien avec les Collèges nationaux professionnels concernés. »

 

Serez-vous marquées, chères lectrices, marqués, chers lecteurs, par la question que je vous pose : « est-ce cela que vous voulez pour votre enfant ? » Que la voie soit exclusive et directe entre un diagnostic et une prescription médicamenteuse pour un « trouble de l’hyperactivité et de l’attention » ?.

Votre enfant perturbe sa classe ; son enseignant(e) vous convoque, vous oriente, car elle est aujourd’hui sommée par sa hiérarchie de ne pas passer à côté du signalement d’un TDAH, vers le spécialiste ad hoc et non celui de votre choix, lequel, à la suite d’une recherche de diagnostic protocolisée, statuera. Au sortir de ce cabinet, votre enfant que vous pensiez agité ou turbulent, dissipé ou distrait, sera pourvu de l’étiquette tédéhahache comme un chien d’une tique, ce qui l’engagera dans un « parcours de soins ». Quelle liberté sera la vôtre en tant que parents ? Et quelle, votre responsabilité ?

Il y a 20 ans, un nouveau mot d’ordre avait mis en émoi le monde psy : l’évaluation devenait l’apanage du maître. Je n’ai jamais oublié une phrase prononcée par celui à l’initiative de qui se tinrent à partir de fin 2003 plusieurs « forum des psys »[2] : qui évaluera l’évaluateur ?

Aujourd’hui des systèmes de tri dits parfois d’agréments sont en place.

 

Vous êtes psychologue ? Vous vous croyez habilité par votre formation, sanctionnée par un diplôme d’état, à recevoir des enfants agités, déprimés, angoissés, voire insupportables, intenables, « ingérables » ?

Certes oui, vous l’êtes bel et bien, mais excusez du peu, des enfants comme ça, il n’y en a plus : aujourd’hui ils sont TDAH, … ou déprimés et relèvent, dans un cas comme dans l’autre, des bonnes pratiques prônées par la HAS.

Chers psychologues freudiens, sous ces nouveaux labels, que vous décollerez avec les précautions requises le moment venu, quand ces enfants arriveront dans votre bureau, car ça n’aura pas marché, vous retrouverez des bribes de lettres avec lesquelles vous composerez des mots et reconstituerez les phrases marquantes qui permettront aux petits sujets de se remettre debout et de mettre un pied devant l’autre, pour faire chacune et chacun, avec l’appui de votre désir nettoyé des préjugés ambiants, son bonhomme ou bonnefemme de petit chemin.


[1] La HAS comprend :

-      1 Collège : responsable des orientations stratégiques, de la programmation et de la mise œuvre des missions assignées à la Haute Autorité de santé par le législateur. Le Collège est l’instance délibérante de la HAS, il est garant de la rigueur et de l’impartialité de ses productions.

-      8 Commissions spécialisées : en lien avec le Collège, les 8 Commissions spécialisées sont chargées d’instruire les dossiers constitués par les services opérationnels dans les différents domaines de compétence de la Haute Autorité de Santé.

-      des services et directions comprenant 410 agents permanents, dont de nombreux professionnels de santé.

-      1 réseau d’environ 750 experts-visiteurs, habilités à réaliser la visite de certification des établissements de santé.

[2] Miller J.-A. et Milner J.-C., Voulez-vous être évalué ? - Entretiens sur une machine d'imposture, Paris, Grasset, 2004.

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